Pierre BOURGUIGNON, photographe animalier, Belgique
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Les espèces invasives, un véritable fléau écologique !
Vraiment ?



’’. . . . Les espèces invasives sont néfastes à notre environnement, elles nuisent à la biodiversité en détruisant nos espèces locales . . . . .''


Que n’avons-nous entendu ce discours alarmiste repris en chœur par la plupart des naturalistes et dicté, il est vrai, par quelques problèmes bien réels rencontrés avec certaines espèces. Que faut-il penser d’un tel discours ? Est-il réellement justifié ?

Espèces invasives en Belgique par Pierre BOURGUIGNON, photographe animalier
Tamia, déclaré en Belgique ''espèce invasive". Plaide "non coupable" !
Vous trouverez, ici, d'autres photos de tamias


Mais, tout d’abord, qu’est-ce qu’une espèce invasive ? ?
On voit souvent dans ce terme une composante ‘‘espèce d’origine étrangère’’ (introduite ou arrivée d’elle-même) mais pas seulement puisque le terme qui convient pour désigner des espèces simplement étrangères est ‘‘exogènes’’ (alors que nos espèces locales seront, elles, désignées par ‘‘indigènes’’). Actuellement, dans le langage naturaliste courant, ce terme ‘‘invasif’’ sous-entend d’autres aspects : un caractère exogène, bien-sûr, mais aussi une croissance incontrôlée des populations concernées et une concurrence préjudiciable à nos espèces indigènes.

La distinction entre les espèces indigènes et exogènes daterait du XVIIIème siècle mais il semble que la composante faisant référence à une ‘‘invasion’’ soit beaucoup plus récente puisqu’elle serait apparue la première fois en 1958 dans le livre de Charles ELTON ‘‘The Ecology of Invasions by Animals and Plants’’ Le caractère très militaire de ce terme montre tout de suite quels sentiments sont sensés nous animer, nous, les bons défenseurs de la nature : il faut combattre ces espèces invasives, elles n'ont rien à faire chez nous !

Pourtant . . . . . .

Prétendre que tout ce qui vient de l’étranger est néfaste tiendrait plus de la xénophobie que de la science !
On ne peut évidemment pas tomber dans ce piège !
  • Ce qui est particulièrement honteux dans l'approche actuelle de cette problématique des espèces dites exotiques invasives, c'est justement l'importance que l'on donne au caractère exogène. C'est d'ailleurs très significatif, on ne parle pas d'expèces invasives, ni d'invasives exotiques mais toujours d'exotiques invasives, démontrant bien que le principal grief qui leur est fait est d'être de "sales étrangers". Un tel rejet de tout ce qui vient de l'étranger est, malheureusement, typique de notre monde actuel mais est-ce une raison pour y souscrire aveuglément. Une telle approhe ne nous grandit pas ! Le caractère exogène ne devrait pas même être à pris en compte, les seuls critères à considérer devant être la capacité de cette nouvelle espèce à vivre chez nous en pleine autonomie et son impact prévisible chez nous. L'impact de cette nouvelle espèce est à évaluer de la même façon, avec la même impartialité, que celui des espèces indigènes (dont certaines posent problème également).
    Bien-sûr, un déplacement de l'équilibre entre espèces n'étant pas, à priori, un perte de biodiversité, cet impact sera évalué en admettant comme normal qu'une nouvelle espèce modifie, plus ou moins profondément l'équilibre actuel. Ce serait fort passéiste de vouloir figer la situation actuelle en refusant toute évolution. Le monde évolue vite, nos mentalités doivent le faire également.
  • Il faut bien reconnaître également que cette qualification d’espèce indigène ou exogène n’a pas beaucoup de sens dans un pays aussi petit que la Belgique; pays qu’un oiseau survole en quelques heures et qu’un loup cherchant territoire pourrait traverser en moins de 48 heures.
  • De plus, cette qualification d’indigène ou d’exogène dépend beaucoup de l’époque à laquelle on se situe.
    Une espèce venue de l'étranger mais bien installée chez nous depuis plusieurs décennies ne devrait-elle pas être finalement considérée comme indigène ? Actuellement, par exemple, est-il vraiment censé d'encore traiter d’invasifs nos ragondins belges, sachant que tous les individus rencontrés chez nous sont, à peu de choses près, des ragondins locaux issus de la 50ième génération de ragondins locaux ? Parallèlement aux mesures de régulation éventuellement nécessaires (ce qui est d’ailleurs aussi le cas avec certaines espèces indigènes), ne serait-il pas temps d’offrir enfin à nos ragondins la nationalité belge !

Prétendre que notre chère biodiversité est un équilibre figé, acquis une fois pour toutes et non pleinement évolutif, s’apparenterait à un discours fort passéiste .
Le bien connu ‘‘c’était mieux de mon temps’’ n'est-il pas souvent le credo de ceux qui n'ont pu évoluer avec leur époque ? Ce rejet du changement a, ici, d’autant moins de sens que nous entrons, en plus, dans une période de bouleversements climatiques qui vont immanquablement entraîner le déplacement de nombreuses populations animales. Nous ne pouvons admettre la réalité du réchauffement climatique tout en refusant ses conséquences normales et prévisibles. Des espèces vont probablement nous quitter pour aller plus au nord, d'autres vont nous arriver du sud. C'est d'ailleurs déjà le cas. Soyons prêts à les recevoir avec discernement plutôt qu’à les expulser sans procès !


Prétendre que ces espèces invasives nuisent à la biodiversité, est-ce bien sérieux ? ?
  • Si l'on compte bien, lorsqu'une espèce supplémentaire nous arrive de l'extérieur . . il y a une espèce en plus, ce qui, à priori, augmente la biodiversité ! Actuellement, les rats musqués et les ragondins sont souvent les seuls mammifères de taille moyenne à animer nos étangs campagnards, n'y apportent-ils pas une réelle ''dimension supplémentaire'' ?
  • Même en envisageant le cas (souvent annoncé comme la pire des menaces) où cette nouvelle espèce venant de l'étranger concurrence puis éradique complètement de notre petit pays une de nos espèces locales, on ne peut toujours pas parler de chute de la biodiversité, ni quantitativement (une espèce sortie mais une espèce entrée), ni qualitativement puisqu'on ne peut raisonnablement prétendre, à priori, que l'espèce venue de l'extérieur a une "richesse biologique" inférieure à celle qu'avait l'espèce disparue de chez nous.
  • Seul le cas absolument exeptionnel où une espèce venue de l'étranger arrive à éradiquer complètement deux espèces locales nous permet de parler de perte de biodiversité mais, pour autant qu'il existe des exemples (? ? ?), ce cas est alors à traiter comme cas particulier et ne permet pas de généraliser l'affirmation selon laquelle "les espèces invasives nuisent à notre biodiversité . . . "
Une évolution de l'équilibre entre espèces n'est pas, à priori, une perte de biodiversité !


La biodiversité, si elle mérite toute notre attention au niveau local (une réserve naturelle ou, même, un simple pré fleuri), doit aussi est considérée plus globalement à l’échelle des continents et à celle du globe !
Or, pour une espèce animale, la conquête de nouveaux territoires est souvent une garantie de pérennité. Combien d’espèces n’ont-elles survécu que parce qu'il existait plusieurs souches réparties sur diffférents continents ou dans différentes régions du globe ! Admettre cette évidence, n’est-ce pas alors accepter, au nom de la biodiversité mondiale, l’arrivée chez nous de nouvelles espèces exogènes qui viendraient y chercher un refuge salutaire !


La mise en garde contre le prétendu risque pour notre biodiversité n'est-elle pas trop souvent une simple excuse servant à cacher des raisons qui ne sont qu'économiques ?
Les espèces déclarées commme nuisibles le sont-elles vraiment au sens environnemental général ? Beaucoup d'entre-elles n'apportent-elles pas, le plus souvent, qu'un préjudice purement financier à l'une ou l'autre de nos activités économiques. Est-ce une raison suffisante pour mettre leur tête à prix ? Est-ce raisonnable, dans notre monde de capitalisme effréné, d'ouvrir la porte à de tels critères économiques ? N'avons-nous pas retenu les leçons du passé, pourtant proche, lorsque nous avons autorisé l'agriculture industrielle à éliminer à grands coups de pestisides, tous les organismes qui gênaient leur commerce . . . Voyons où tout cela nous a conduit et dans quel état sont actuellement nos campagnes ! N'est-ce pas plutôt à l'homme à concevoir, installer et entretenir ses infrastructures en tenant compte de la présence à proximité de telle ou telle espèce ?


Le "délit de sâle gueule" n'influence-t-il pas trop souvent nos réactions d'acceptation ou de rejet d'une espèce ?
Pourquoi se réjouir de la récente nidification chez nous de tel bel oiseau blanc, pourtant pêcheur vorace mais tellement grâcieux, et rejeter avec violence un nouveau rongeur à l'allure moins avenante sous prétexte qu'il s'intéresse aux cultures céréalières. Certaines espèces auraient-elles, plus que d'autres, le droit de manger, le droit de vivre ? Il est bien connu que certaines espèces ont, dans notre culture, assez "mauvaise presse" (les araignées, les rats, . .), sommes-nous encore capables de les traiter avec les mêmes égards, la même impartialité que celles qui ont une jolie petite frimousse ?


Espèces invasives en Belgique par Pierre BOURGUIGNON, photographe animalier
Ouette d'Egypte (Alopochen aegyptiaca), déclarée en Belgique ''espèce invasive". Plaide "non coupable" !
Vous trouverez, ici, d'autres photos d'ouettes d'Egypte



Cela ne veut évidemment pas dire que tout nouvel arrivant doit être accepté les yeux fermés. Ce serait bien sot de le croire, mais nous manquons tout autant de discernement en affirmant que les espèces étrangères sont, d’office, néfastes à notre environnement, qu’elles nuisent à la biodiversité et qu’il faut les détruire . . .

Il semble d’ailleurs que ce discours alarmiste, trop souvent présenté comme un sacro-saint principe d’écologie, propagé en chœur par la plupart des naturalistes et abondamment repris par les médias ne reflète, qu’avec beaucoup d'excès, l’avis des véritables spécialistes de la biologie de l’invasion ! Le discours médiatique sur l'impact des espèces invasives, parfois alarmiste jusqu'à la caricature, n'était probablement au départ qu'un message éducatif "fort" destiné à sensibiliser les populations mais c'est malheureusement ce seul côté excessif qui est le plus souvent retenu. Il semble même avoir finalement endormi une certaine capacité à raisonner pourtant indispensable face à un problème aussi complexe.


Espèces invasives en Belgique par Pierre BOURGUIGNON, photographe animalier
Ragondin, déclaré en Belgique ''espèce invasive". Plaide "non coupable" !
Vous trouverez, ici, d'autres photos de ragondins



Toujours est-il qu’une nouvelle façon de voir les choses pointe tout doucement à l’horizon. En 2011, Mark DAVIS, professeur de biologie au Macalester College (Minnesota) publie dans la revue ‘‘Nature’’ un article invitant à d’avantage de prudence. En 2014, Ken THOMPSON, écologiste anglais et ancien maître de conférences à l’université de Sheffield ‘‘remet le couvert’‘ et sort un livre intitulé ‘‘Where Do Camels Belong ? Why Invasive Species Aren’t All Bad ’’. Ces deux pionniers et maintenant d’autres scientifiques confirment l’intérêt d’évaluer d’une façon beaucoup plus nuancée, si la présence d’une espèce est nocive ou bénéfique et de ne plus la juger en fonction de ses seules origines.

En Belgique, par exemple, les spécialistes environnementaux gestionnaires de nos réserves naturelles "importent" maintenant des espèces externes telles que les chevaux "KoniK Polski" (race "reconstituée" jugée génétiquement très proche de l'ancienne espèce sauvage européenne Tarpan (Equus Caballus gmelini) maintenant éteinte ou les vaches "Galloway" (Ecosse) pour pâturer leurs sites. Puissions-nous voir dans ces choix une évolution des mentalités !

Gageons que cette approche plus nuancée, plus réfléchie, plus scientifique remplacera rapidement l’ancien discours, pour ne pas dire la doctrine, que nous avons dû subir en cette matière au cours de ces dernières décennies ! Peut-être les espèces exogènes auront-elles enfin droit, dans leur fiche descriptive, à une colonne ‘‘Avantages’’ à côté de celle intitulée ‘‘Inconvénients’’

C’est ce que je leur souhaite !



                                                                                                                    Pierre BOURGUIGNON


Espèces invasives en Belgique par Pierre BOURGUIGNON, photographe animalier
Bernaches du Canada (Branta canadensis), déclarées en Belgique ''espèce invasive". Plaident "non coupables" !
Vous trouverez, ici, d'autres photos de bernaches du Canada


Photographe animalier: Pierre BOURGUIGNON, Belgique
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